La chimiothérapie s’attaque non seulement aux cellules cancéreuses mais également aux cellules saines, provoquant ainsi d’importants effets indésirables. C’est pour lutter contre cela que le Pr Sébastien Papot de Poitiers (Institut de Chimie des Milieux et des Matériaux) développe un candidat-médicament pouvant cibler spécifiquement les tumeurs solides.
Il nous présente cet ambitieux projet impliquant plusieurs équipes de l’Oncosphère Nouvelle-Aquitaine.

 

Une innovation pour cibler les tumeurs solides

« Le ciblage multimodal du microenvironnement tumoral pour la thérapie et le diagnostic des tumeurs solides », c’est ainsi que Sébastien Papot, membre du Comité de Pilotage de l’Oncosphère Nouvelle-Aquitaine résume le projet sur lequel son équipe et lui travaillent depuis plusieurs années. L’objectif est de développer un candidat-médicament pouvant cibler spécifiquement le microenvironnement des tumeurs solides, tels que les cancers du pancréas, du poumon, du sein, du côlon, et de la tête et du cou. Basé sur sa plateforme moléculaire brevetée, le candidat-médicament est transporté en toute innocuité à travers l’organisme sous la forme de vecteurs thérapeutiques qui détectent la tumeur et déclenchent son activité anticancéreuse uniquement dans les tissus malins. Le médicament est activé dans le microenvironnement tumoral via une coupure enzymatique extracellulaire hautement spécifique. Cela permet d’augmenter l’efficacité du traitement, tout en réduisant considérablement ses effets indésirables.

Grâce à la startup Seekyo dont Sébastien Papot est le cofondateur et directeur scientifique, plus de 650 000 euros ont été levés pour le financement de ce candidat-médicament et pour le transfert de ce concept vers la clinique. « Les tests PDX (Patient Derived Xenograft) ont montré qu’avec ce genre de thérapie, les tumeurs du pancréas sont éradiquées, ces résultats sont donc très encourageants ».  

Plus généralement, l’idée est de développer des outils ciblés qui vont permettre à la fois de traiter les cancers de manière sélective et d’utiliser les cibles du microenvironnement tumoral pour développer également des outils de diagnostic en collaboration avec le Dr Pauline Poinot (IC2MP, Poitiers), spécialisées dans la conception de sondes à composés volatiles. Les tumeurs solides présentent des particularités qui peuvent en effet être utilisées pour le ciblage d’un anticancéreux ou pour l’activation de sondes permettant de détecter les cancers de manière précoce.

En parallèle, les chercheurs espèrent traiter les tumeurs de l’enfant, pour lesquelles il y a peu de choix thérapeutiques et entrainant de nombreux effets secondaires à long terme. En collaboration avec l’équipe du Dr Christophe Grosset (Inserm U1035) de Bordeaux, les protocoles testés sur les tumeurs solides chez l’adulte sont adaptés pour être efficaces sur des modèles de tumeurs de l’enfant.

Il a aussi fallu développer des outils pronostics susceptibles de sélectionner les patients pouvant répondre à ces thérapies vectorisées. « Il faut être en mesure de sélectionner les patients qui vont répondre à ces thérapies ciblées car nous utilisons une technologie qui permet de composer un médicament à la carte en fonction du cancer à traiter.», précise le Pr Sébastien Papot.

Très sensibles, ces outils pronostics permettent également de suivre l’évolution de la tumeur et pourraient être utilisés pour évaluer l’efficacité des traitements.

Un projet issu de l’Oncosphère Nouvelle-Aquitaine

Ce projet pluridisciplinaire qui fait donc intervenir une équipe bordelaise regroupe des chimistes organiciens, des chimistes analyticiens, mais également des biologistes ou encore le CHU de Poitiers.

« La structuration de l’Oncosphère a beaucoup aidé dans l’avancée de ce projet en nous permettant notamment de découvrir les compétences des différents laboratoires de Nouvelle-Aquitaine. Grâce à l’Oncosphère, Christophe Grosset est maintenant pleinement impliqué dans la concrétisation de ces travaux », explique Sébastien Papot.

« J’espère que la structuration de l’Oncosphère va également renforcer la communication entre les instances, les Universités et les personnels soignants. Les collaborations ne sont pas encore assez fluides entre chercheurs et médecins » ajoute le chercheur poitevin.

Malgré des ANR, des soutiens de la Ligue contre le cancer, la région Nouvelle-Aquitaine, l’Inca et même d’industriels français et américains, l’obstacle majeur dans la concrétisation de ce projet reste le manque de financement.